Et quel monument !
Un véritable château du 20ème siècle, œuvre majeure du modernisme d’entre-deux guerres.
Et quelle histoire !
Commandité par Paul Cavrois, riche industriel du Nord de la France, propriétaire de filatures et tissages, spécialité de la région.

Monsieur Cavrois rencontre l’architecte Robert Mallet Stevens lors de l’exposition internationale des Arts décoratifs à Paris en 1925. Il tombe réellement amoureux de son style novateur et résolument moderne. Il ira même visiter deux autres monuments avec son architecte, l’Hôtel Stoclet à Bruxelles (Joseph Hoffman) et l’hôtel de ville d’Hilversum au Pays-Bas (Willem Dudok).
Mallet Stevens reçoit carte blanche, rien n’est trop beau, rien n’est trop cher.
La villa doit abriter une famille de sept enfants avec domestiques, chacun aura sa chambre et sa salle de bain. Il y a même une salle à manger des enfants, une salle d’étude et une vaste salle de jeux. Une grande piscine de 27m située entre la maison et le jardin complète le projet. Le jardin fait partie intégrante de l’ensemble avec son grand plan d’eau où se reflète les beaux ciels du nord.
La villa (qui suscita beaucoup de critiques à l’époque dans une région assez traditionaliste) est terminée en 1932 pour le mariage de Geneviève, l’ainée de la fratrie.
Le bâtiment fait 60m de long, offre 1800 m2 de pièces d’habitation et 830 m2 de terrasses.
La lumière entre à flots par les immenses fenêtres et ouvertures sur le jardin. Un grand garage se situe sous la villa, et peut abriter 4 voitures…
Mallet Stevens dessinera tous les éléments décoratifs, des mobiliers, aux luminaires, tapis et quincaillerie d’ameublement. C’est une œuvre d’art totale, exceptionnelle. Toutes les techniques les plus modernes sont ici appliquées.
Les matériaux sont d’exception, bois précieux et marbres habillent toutes les pièces, en revanche on ne trouve pas de décoration superflue mais, dans chaque pièce sauf le salon, une horloge électrique intégrée dans les murs.
Et puis… vient la guerre en 1940, la famille fuit les envahisseurs. La villa est occupée par l’armée allemande qui laissera des traces, heureusement récupérables.
En 1947, la famille retrouvera la villa et fera transformer certaines pièces en appartements séparés pour les deux fils et leur famille.
1985 sonne le glas de la propriété après la mort de Madame Cavrois. La villa est vendue à un promoteur immobilier qui projette de la démolir et de lotir le vaste jardin !!!
Elle sera pillée, lestée de tous ses beaux matériaux, squattée, laissée pour morte.
Un vaste plan de sauvetage et de classement voit le jour appuyé par des sommités internationales dont Norman Foster et Renzo Piano. Elle est classée en 1990 et en 2001, l’Etat français l’acquiert, mettant fin à l’agonie du chef d’œuvre. C’est le Centre des Monuments Nationaux qui prend en charge la rénovation
Il faudra 12 années de travaux pour relever la villa de la ruine dont 85% des décors avait disparus. Hormis la structure, tout a été reconstitué selon les dessins, plans et photos d’époque. Les meubles originaux ont été retrouvés chez les collectionneurs, d’autres ont été acquis dans des ventes. La restauration est remarquable, époustouflante, une pièce a été laissée dans l’état de délabrement pour témoigner, c’est édifiant. Le budget de la restauration de 23 millions d’Euros est à l’image de l’incroyable qualité du travail réalisé.
Un petit film de 3 minutes à voir absolument, ICI ou beaucoup plus complet ICI
Ouverte au public depuis juillet 2015, c’est un endroit que tout amateur d’architecture moderniste se doit de visiter. On peut y déambuler à l’aise au travers de toutes les pièces, salons et jardins.
De très beaux livres relatent de l’histoire et de la renaissance du bâtiment, disponible dans la très agréable boutique située à l’entrée.
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